Regard de la traductrice Esther Gouarné sur Long développement d’un bref entretien


Comme dans toutes les pièces de Magne van den Berg, la langue est ciselée à la fois comme de la dentelle et maniée comme une arme. La force de cette pièce se situe dans la concision du dialogue et le minimalisme des répliques, typiques de l’écriture de l’autrice. Avec le moins de mots possibles, dans une langue percutante, Magne van den Berg sait suggérer et révéler les drames, les souffrances, les regrets et les espoirs de ses personnages. Un mot ou un silence racontent un cœur brisé, un regret, un dilemme. Un mot apparemment innocent brise une vie. Cette utilisation très fine de la langue et des codes théâtraux permet à la pièce de transcender le côté anecdotique du contenu des dialogues ainsi que les registres du mélodrame. Ce texte présente aussi une autre caractéristique qui l’apparente à une partition musicale : le leit-motiv et la variation sur un même thème. Les mots de l’un sont repris à l’identique par l’autre, puis de nouveau répétés à un troisième… Ces répétitions créent un flux prenant, envoûtant. On répète une phrase comme pour en approfondir le (les) sens et la portée, ou comme pour lui faire dire autre chose. Puis les mots sont parfois décalés ou modifiés, jusqu’à faire bouger les lignes de sens. L’autrice crée ainsi un funambulisme verbal, jouant sur une fine corde et transposant dans le style et dans la forme l’instabilité de l’équilibre émotionnel de ses personnages. Un défi passionnant pour des acteurs.ices… 

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